Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/464

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— À qui voulez-vous que je dise que vous n’êtes pas cul-de-jatte ? que j’ai répondu à l’homme. — À tes parents, si tu es du pays. — Je ne suis pas du pays et je n’ai pas de parents. — Comment vis-tu ?

— Tiens, — dis-je à Bamboche en l’interrompant, — c’est à-peu-près comme cela que j’ai rencontré la Levrasse.

— T’as fait une belle trouvaille ce jour-là, — me dit Bamboche, — et il continua.

— Comment vis-tu ? — me demanda le mendiant. — Je couche dans les champs et je mange des pommes et du raisin quand j’en trouve. — Veux-tu mendier avec moi ? Ça m’embête d’être cul-de-jatte, ça me donne des crampes aux jambes et des cors aux mains ; pour changer, je veux me faire aveugle, tu seras mon fils, tu me conduiras, nous gagnerons gros et tu licheras bien. — J’ai consenti à aller avec le cul-de-jatte ; nous avons attendu la nuit, et puis nous avons marché, marché pour quitter le pays où il passait pour cul-de-jatte ; le lendemain nous avons commencé à mendier, lui comme aveugle, moi comme son fils.

— Et il était méchant pour toi ?

— Quand les aumônes ne venaient pas, il disait que c’était de ma faute et le soir il me rouait de coups.

— Et tu ne quittais pas un si méchant maître ?

— Je l’haïssais, mais je ne le quittais pas ; où est-ce que je serais allé ? Au moins avec lui j’étais à-peu-près sûr de manger ; et puis il m’apprenait des choses… des choses…

— Quoi donc ?