Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/476

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francs en bons écus, mais vous me laisserez Jeannette jusqu’à vingt ans. — Cent francs, — reprit le pataud de charron, — cent francs… — Et il n’en revenait pas, pour sa misère c’était un trésor… À sa bête de face ébahie, je m’attendais à ce qu’il allait me lâcher Jeannette, car il l’appelle, la prend dans ses bras, baise et rebaise sa petite tête blonde, la mange de caresses, pleure comme un veau… mais, bah ! voilà-t-il pas l’animal qui me dit en sanglotant : — Allez-vous-en, Monsieur, allez-vous-en, je garde Jeannette… si nous mourons de faim, eh bien ! nous mourrons de faim, mais elle ne me quittera pas. — Alors, tu ne l’as donc pas, cette petite Basquine ? — dit à la Levrasse la mère Major, qui n’en était pas fâchée par jalousie, — ajouta Bamboche en manière de parenthèse. — Attends donc la fin, — reprend la Levrasse, je dis au charron, — écoutez, mon brave : je ne veux pas abuser de votre position ; réfléchissez, je vous donne jusqu’à demain midi ; ce n’est plus cent francs, mais trois cents francs que je vous offre pour Jeannette ; vous me trouverez demain jusqu’à midi à l’auberge du Grand-Cerf, et, plus tard, si vous vous ravisez, vous pourrez m’écrire à l’adresse que je vous laisse. — Là-dessus j’ai quitté le charron, et je suis sûr qu’il m’arrivera demain matin, au chant du coq, avec sa blondinette. »

— Eh bien ! est-il venu ? — demandai-je à Bamboche.

— Non ; mais moi, qui en faisant semblant de dormir avais entendu la Levrasse dire à la mère Major tout ce que je viens de te raconter, curieux de voir la nou-