Aller au contenu

Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

séparable de tout ce qui est brillant, soudain, amoureux et hardi ; mais en sa qualité d’homme blasé, Scipion mettait son orgueil à montrer en tout, partout, et surtout du sang-froid et du dédain ; aussi ses traits demeurèrent impassibles, pendant que Mme Wilson, et surtout sa fille, le félicitaient d’une si valeureuse présence d’esprit.

Le comte choqué de l’attitude de son fils, choisissant un moment où il ne pouvait être ni vu ni entendu de Mme Wilson et de sa fille, dit tout bas à Scipion avec un accent en apparence cordial et familier, mais qui cachait un vif mécontentement à peine contenu par la présence des deux femmes et par son habituelle tolérance de jeune père :

— À quoi songes-tu, Scipion ? tu n’es pas même poli avec Mlle Wilson, et pourtant…

— Ah ça ! mais sais-tu que tu fais là un drôle de métier ? — répondit Scipion en interrompant son père et en allumant un second cigare, — il est vrai que c’est pour le bon motif… mais c’est cela même qui le rend impardonnable, ô malheureux auteur de mes jours que tu es…

Et Scipion jeta insoucieusement son bout de cigare éteint.

Si accoutumé qu’il fût à ce froid persiflage malheureusement encouragé par lui, M. Duriveau ne put en ce moment et pour de graves raisons contenir la colère que lui causait cette réponse, et dit à son fils toujours à voix basse, mais d’un ton ferme et bref :

— Trêve de plaisanteries, je vous parle très-sérieuse-