Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trerions trop glorieuses… L’Opéra, plaisir de convention… et que Mme Stoltz chante, que Mlle Carlotta danse, que Mlle Basquine chante et danse à la fois… vos avant-scènes sont en révolution, en combustion… dans vos transports de frénétique admiration pour ces deux merveilles de talent et de grâce, et surtout pour Mlle Basquine, à la fois gazelle et rossignol, on a vu des gants glacés craquer, les plis de plus d’une cravate se déranger !… Et vous vous dites blasés !  !

Lorsque Mme Wilson avait prononcé le nom de Mlle Basquine, une étrange expression avait passagèrement animé les traits de Scipion ; c’était un mélange d’ironie, d’orgueil contraint et d’audacieux défi.

Jetant sur Mme Wilson un regard pénétrant, Scipion lui dit toujours, avec un flegme imperturbable et sans quitter son éternel cigare :

— Pourquoi ne me supposez-vous pas amoureux de Mlle Basquine ?

— Est-ce que les gens blasés sont amoureux ? Voyez donc comme vous jouez mal votre rôle… — dit en riant Mme Wilson ; puis, son visage exprimant une douce gravité, elle reprit d’une voix affectueuse et convaincue :

— Parlons sérieusement cette fois, mon cher Scipion ; oui, je vous crois blasé… et j’en suis ravie, oui, je vous crois blasé… mais blasé sur tous les faux plaisirs, sur toutes les jouissances décevantes ; aussi je crois, je sais que ce qui est bon, sincère, généreux, délicat, élevé, doit avoir et a pour vous ce charme irrésistible de la nouveauté dans le bien et dans le vrai ; charme entraînant qui vous attachera pour toujours aux seuls objets dignes d’un homme de cœur et d’esprit comme vous