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Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/93

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dèle du propriétaire), se trouvait dans un embarras piteux, et regardait machinalement le billet fatal, pendant que l’orage grondait de plus en plus. Tout-à-coup, songeant à la signature du billet, que jusqu’alors il avait tue par un premier mouvement de générosité, Beaucadet espéra qu’en faisant connaître le nom de la victime, il détournerait du séducteur l’irritation croissante, dont l’explosion devenait à craindre. Aussi le sous-officier reprit-il d’un ton important :

— Le billet est signé de la malheureuse qui,… de la misérable que… Enfin,… vous n’avez pas besoin d’en savoir plus long ; il est signé.

— Le billet est signé, — murmurait-on à voix basse.

— Oui,… l’in-fan-ticide a signé ; l’étourdie scélérate, elle a signé, — dit Beaucadet de son air le plus solennel ; — elle a signé,… et c’est…

Une sorte de bruissement d’inquiétude, d’angoisse circula parmi les paysans, suspendus, comme on dit, aux lèvres de Beaucadet.

— C’est… la petite Bruyère,… la dindonnière de la métairie du grand Genévrier.

À ces mots, malgré son imperturbable assurance, Scipion tressaillit, le sang lui monta au visage, un instant sa pâle figure se colora ; mais Raphaële, qui ne le quittait pas des yeux, remarqua seule la passagère émotion dont il n’avait pu se rendre maître.

Les paysans, en apprenant que la victime et la coupable était Bruyère, toute jeune fille de seize ans, à qui on attribuait certaine influence surnaturelle, et