Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je montai, heureuse de penser que, sans doute, je ne reverrais plus mademoiselle de Maran ; sa calomnie atroce et insensée contre ma mère avait mis le comble à mon aversion pour elle.

En vain Gontran m’avait fait observer que ce n’était plus de la méchanceté, mais de la folie, que de si odieux soupçons tombaient d’eux-mêmes ; je sentais qu’il me serait désormais impossible de me rencontrer avec mademoiselle de Maran.

La voiture partit rapidement.

Pendant trois heures que dura le voyage, Gontran fut pour moi rempli d’attention, de gracieuses prévenances ; il me parla peu ; ses paroles furent d’une bonté touchante, presque grave et recueillie.

Il sentait comme moi, sans doute, qu’on ne peut s’initier aux grandes félicités que par une sorte de méditation rêveuse et mélancolique.

Il n’y a rien de plus sérieux, de plus pensif que le bonheur, lorsqu’il arrive à l’idéal.

Je fus émue jusqu’aux larmes de l’expression de tendresse protectrice avec laquelle Gon-