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La prédisposition de l’âme est un prisme qui colore les objets extérieurs de ses reflets sombres ou riants. Je fis une remarque puérile, mais elle me navra…

Toutes les fleurs qui ornaient cette demeure avaient été apportées et transplantées comme une décoration champêtre. Peu à peu elles avaient langui et s’étaient flétries. Absorbée par mon bonheur, voyant tout à travers les rayonnements que l’amour jetait sur ma vie, je ne m’étais pas aperçue de l’insensible étiolement de ces plantes ; mais à ce moment, sous ce ciel gris, pensant à ce départ qui m’affligeait, je fus douloureusement frappée de ce spectacle.

Malgré moi, je fis un vague rapprochement entre les jours heureux que je venais de passer et l’existence de ces fleurs, pauvres fleurs éphémères, dépaysées, sans racines, qui, au lieu de s’épanouir chaque matin toujours fraîches et vivaces, mouraient d’une mort précoce, après avoir jeté un parfum, un éclat passagers.

Je frémis… en me demandant s’il en devait être ainsi de la félicité que j’avais goûtée.

Pourtant je voulus échapper à ces réflexions