Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/136

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quelles ridicules armoiries. Exalté par l’adulation et par l’orgueil, l’adulation et l’orgueil le torturent ; il le sait : c’est à sa fortune qu’on accorde les prévenances dont on l’entoure ; pauvre demain, il serait complètement méprisé ; alors parfois sa rage contre le sort n’a pas de bornes ; mais, comme son père, Lugarto est aussi lâche que méchant, et il se venge de tant de prospérités injustement accumulées sur lui, en maltraitant avec la plus cruelle dureté ceux que leur dépendance oblige à supporter ses violences ; des femmes… des femmes même n’ont pas été à l’abri de ses brutalités… Eh bien ! malgré cela, malgré tant de vices odieux, le monde n’a toujours eu pour lui que des sourires ; les plus hardis lui ont témoigné de l’indifférence.

Ne pouvant me contenir plus longtemps, je m’écriai :

— Eh ! comment osez-vous appeler un tel homme votre ami ? comment avez-vous pu lui sacrifier nos plus chers désirs ?… En vérité, Gontran, je ne vous comprends pas.

M. de Lancry, sans doute rappelé à lui par ces mots, me regarda d’un air interdit.