Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Que dites-vous, Mathilde ?

— Je vous demande comment vous pouvez appeler M. Lugarto votre ami ?… Mais jamais je ne consentirai à voir un homme aussi pervers, aussi odieux… Et encore une fois, c’est pour lui que vous quittez si tôt cette retraite où nous vivions si heureux ?… Gontran, il y a là quelque chose d’inexplicable !

M. de Lancry se remit de son émotion, et me dit en souriant :

— Écoutez une comparaison bien ambitieuse, Mathilde… L’homme qui parvient à dompter et à rendre sociables et soumis le tigre et la panthère, ne prend-il pas en amitié la bête féroce qu’il a pu rendre douce et obéissante ? Eh bien ! quoique ce pauvre Lugarto ne soit pas un tigre, il y a, je crois, un peu de ce sentiment-là dans mon amitié pour lui. Oui, autant je l’ai vu dédaigneux, méchant, altier pour les autres, autant pour moi il a toujours été bon, prévenant, dévoué. Je vous l’avoue, Mathilde, je n’ai pu m’empêcher d’être profondément touché des preuves nombreuses d’affection qu’il m’a données… et vous le concevez, avec bien du désintéressement. Puis,