Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jugez donc combien il doit être malheureux : personne ne l’aime ; il n’a pas même un ami… Toujours dominé par cette crainte de n’être recherché que pour sa fortune, par hasard il ressent pour moi une bienfaisante confiance qu’il n’éprouve pour personne. Eh bien ! dites, Mathilde, mon cœur… ma vanité, je dirais presque mon honneur, ne m’ordonnent-ils pas de l’accueillir avec bienveillance ?

Déjà je connaissais assez la physionomie de Gontran pour avoir remarqué une sorte de contrainte pendant qu’il m’expliquait la cause de son amitié pour M. Lugarto, tandis qu’au contraire il s’était laissé aller à une franche amertume en dépeignant l’odieux caractère de cet homme.

Sans pouvoir justifier mes soupçons, je sentais qu’il y avait là quelque mystère ; les explications de Gontran ne me rassurèrent qu’à demi.

Pourtant, telle est la puissance du prestige de l’amour, que peu à peu en réfléchissant à ce que venait de me dire Gontran, je vis une nouvelle preuve du charme qu’il inspirait dans l’in-