Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/14

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en être juges. Une banqueroute m’avait ruiné. Jusqu’alors j’avais vécu dans l’aisance ; ce coup m’avait été terrible, moins pour moi, moins pour ma femme peut-être que pour ma mère, qui était vieille et aveugle. Il fallait avant tout, Madame, lui cacher ce malheur. À force de travail, moi et ma femme nous y parvînmes pendant quelque temps ; mais enfin nos forces s’épuisaient ; ma pauvre femme tomba malade. Nous allions peut-être mourir à la peine, lorsqu’un jour je reçus sous enveloppe cent mille francs, Madame ; cent mille francs, avec une lettre qui me prévenait que c’était une restitution que me faisait le banqueroutier qui m’avait emporté quatre cent mille francs. — Vous comprenez ma joie, mon bonheur ; ma mère, ma femme, étaient désormais à l’abri du besoin. Pour nous, maintenant habitués au travail, que nous n’avons pas interrompu pour cela, c’était presque de la richesse. Je racontai partout que je devais ce secours inespéré au remords du misérable qui nous avait tout enlevé. Des personnes qui connaissaient cet homme en doutèrent ; elles avaient bien raison, car M. le