Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/252

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loge à la princesse Ksernika. Je continuai de souffrir cruellement de mes soupçons jaloux. Vingt fois je fus sur le point d’en parler à Gontran : je n’osai pas.

Je me souvins de ce qu’on m’avait raconté de ma mère, de la force d’inertie avec laquelle elle se repliait sur elle-même, sous le poids de la douleur ; je me sentis le même pouvoir ; je contins, je cachai mon chagrin ; je ne montrai jamais à M. de Lancry qu’un front calme et serein.

D’abord je m’interrogeai chaque jour presque avec effroi, afin de savoir si mon amour pour Gontran avait reçu la moindre atteinte : il n’en était rien.

Dans l’orgueil de mon dévoûment, j’attendais avec une sorte de sécurité douloureuse que mon mari reconnût le néant de l’affection à laquelle il me sacrifiait sans scrupule. D’ailleurs, à part les soins apparents qu’il rendait à madame Ksernika, Gontran était bon pour moi, affable ; il ne soupçonnait pas mes souffrances, car je le trouvais toujours riant et léger.

En vain je recherchais dans ses traits cette