Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me un langage tour à tour sévère, menaçant, suppliant : rien ne put la toucher.

— J’avais toujours ignoré cette intervention, Monsieur ; maintenant je comprends l’éloignement que ma tante a souvent témoigné pour monsieur votre père.

— Après de nouveaux voyages je le perdis… Madame. — M. de Rochegune garda un moment le silence, baissa la tête, essuya furtivement une larme et reprit : — En mourant, mon père me recommanda, au nom de l’amitié qui nous unissait à M. de Mortagne, de toujours veiller sur l’orpheline qui méritait à tant de titres l’intérêt de notre ami. Hélas ! Madame, j’étais réduit à faire des vœux stériles pour votre bonheur. Je voulus en vain me présenter à mademoiselle de Maran ; le nom que je portais fut un motif d’exclusion : elle me refusa l’entrée de sa maison. Vous aviez alors seize ans, je crois, Madame. Plusieurs fois, attiré par une sorte de curiosité pieuse que m’inspirait votre position, je me trouvai sur votre chemin ; il y avait sur vos traits je ne sais quel mélange de tristesse contenue, de résignation douloureuse qui me navrait. Vous me pardon-