Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/317

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avez un air si froid, si hautain, que… Allons, de mieux en mieux, si vous me toisez avec cette figure-là, ce n’est pas le moyen de me décider à parler.

Je regardai M. Lugarto si fièrement, avec une expression de mépris si écrasant, que, malgré son audace, il s’interrompit un moment ; mais, rougissant bientôt de s’être laissé déconcerter, il reprit :

— Après tout, je suis stupide, je ne vous apprendrai rien que vous n’ayez depuis longtemps deviné ; les femmes ne sont pas aveugles, elles sont les premières instruites des sentiments qu’elles inspirent… Eh bien ! je vous aime, oui… je vous aime avec passion.

M. Lugarto dit ces derniers mots d’une voix basse, émue, tremblante.

Avertie par M. de Rochegune, je prévoyais cet insolent aveu ; mon visage resta impassible.

M. Lugarto s’attendait sans doute à une explosion d’indignation de ma part, il parut très surpris de mon calme, de mon silence.

— Oui, je vous aime à l’adoration, — reprit-il ; — moi qui jusqu’ici n’ai eu que des