Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/341

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Je fus heureuse et pourtant presque épouvantée de cette dernière réflexion.

Telle était la formidable puissance de l’amour ! moi, si fière, surtout depuis que j’appartenais à Gontran, je regrettais presque de m’être conduite avec dignité envers le plus méprisable, le plus méchant des hommes.

Maintenant je m’étonne du silence prolongé que moi et Gontran nous gardâmes après cette scène ; mais les paroles de M. Lugarto établissaient si nettement l’horrible dépendance de Gontran à son égard, que nous devions rester quelque temps comme étourdis de ce coup écrasant.

M. de Lancry tenait son visage caché dans ses deux mains.

Je m’approchai de lui toute tremblante. — Mon ami… — lui dis-je.

— Que voulez-vous encore ? — s’écria-t-il brusquement et d’une voix courroucée. Il redressa son front, qui me parut sombre comme la nuit, et me jeta un regard qui me fit pâlir.

— Voilà où votre causticité, voilà où votre sotte pruderie, nous ont conduits ! à une explication positive. Vous devez être satisfaite,