Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/340

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ment sublime, avec cette magnifique abnégation de soi qui constitue la passion, comprendront le bonheur qu’on a de saisir la moindre occasion d’excuser les cruautés de celui qu’on chérit, lors même qu’on doit se sacrifier à cette réhabilitation.

Maintenant que les années, maintenant que le malheur ont mûri mon jugement, il me semble qu’il faut peut-être attribuer aussi cette opiniâtre indulgence à l’impérieux besoin que nous avons de justifier notre choix à nos propres yeux, même au prix de nos plus chères espérances.

Une fois dans cette voie de défiance de moi, je me reprochai encore de n’avoir pas su inspirer à Gontran assez de tendresse pour qu’il m’eût appris le malheureux secret dont M. Lugarto faisait un si funeste abus.

En voyant l’accablement de Gontran, j’en vins à me faire presque un crime de m’être montrée si dédaigneuse envers M. Lugarto, de n’avoir pas su mieux dissimuler mon aversion. Au lieu de s’exaspérer contre nous, peut-être cet homme fût-il resté inoffensif.