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Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/348

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d’être affable pour M. Lugarto. Maintenant que je ne suis plus sous le charme de l’amour que m’inspirait M. de Lancry, ni sous l’impression de la terreur que m’inspirait son ami, je puis à peine concevoir comment j’ai pu me résigner à cette honteuse, à cette humiliante concession, après la scène odieuse qui avait eu lieu le matin.

Mais alors je n’hésitai pas ; avant tout il fallait surtout gagner du temps. M. de Mortagne agissait de son côté : peut-être espérait-il trouver le moyen d’arracher Gontran à l’influence de M. Lugarto.

Nous partîmes pour ce dîner, pour cette fête.

Il faisait un temps magnifique ; je me rappelle une circonstance puérile, mais bizarre.

Au coin de l’avenue de Marigny, notre voiture fut obligée de s’arrêter quelques instants. Un pauvre, d’une figure hideuse et difforme, s’approcha et demanda l’aumône.

Gontran, je crois, ne l’entendit pas ; le mendiant jeta sur nous un regard de courroux, et nous dit avec un geste menaçant, au moment où notre voiture repartit : Ces riches ! ils sont bien fiers, ils sont si heureux !