Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/349

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Par un mouvement spontané, nous nous regardâmes, Gontran et moi, comme pour protester contre cette accusation de bonheur.

Hélas ! pourtant l’erreur de ce pauvre était excusable : il voyait une jeune femme, un jeune homme, dans une brillante voiture, entourés de ce luxe que le vulgaire prend pour le bonheur et qui cache souvent tant de douleurs, tant de plaies incurables. Ce pauvre pouvait-il deviner les chagrins dont nous étions navrés ? Et cette fête somptueuse à laquelle nous nous rendions comme à un supplice avec une sourde et vague frayeur ! Que de tristes enseignements dans ces contrastes de l’apparence et de la réalité !

Nous arrivâmes chez M. Lugarto.

Mon découragement, ma tristesse avaient fait place à une sorte d’animation fébrile et factice. M. Lugarto nous reçut le sourire sur les lèvres ; il triomphait dans l’orgueil de son exécrable méchanceté.

Sa maison que je ne connaissais pas, était encombrée de toutes les magnificences imaginables, mais entassées, mais accumulées sans goût. Au milieu de ce chaos d’admirables cho-