Je pense maintenant que, sans trop anticiper sur les événements, je puis vous faire remarquer que dès mon enfance mademoiselle de Maran n’avait eu qu’une pensée, celle d’exciter la jalousie, l’envie d’Ursule contre moi ; elle voulait me faire tôt ou tard une ennemie implacable de celle que j’aimais de la tendresse la plus sincère.
Lorsque j’étais enfant, elle avait mis mon intelligence, mon esprit au-dessus de celui d’Ursule ; jeune fille, c’était ma beauté, c’était ma fortune qui devait complètement éclipser ma cousine ; enfin, elle s’était efforcée de faire indirectement ressortir la distinction, l’élégance, la position, la naissance de Gontran que j’allais épouser, en provoquant avec une infernale méchanceté les épanchements candides de M. Sécherin, le mari d’Ursule.
Hélas ! je le crois, sans l’incessante obsession de ma tante, ma cousine n’eût pas si souvent comparé avec amertume ma position à la sienne ; elle ne m’eût pas envié quelques avantages, et nous aurions vécu sans rivalité, sans jalousie. Je croirai toujours que le cœur d’Ursule était primitivement bon et généreux, les