Page:Sue - Mathilde, tome 2.djvu/68

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service… qui assurât peut-être le bonheur de ta vie entière… me chérirais-tu beaucoup ? Me dirais-tu souvent de ta douce voix attendrie… Je vous aime bien ?… Tu me regardes avec de grands yeux étonnés ?… Enfin, réponds-moi. J’ai toujours été crainte ou détestée, excepté par ton père, mon excellent frère. Ah ! celui-là m’aimait ! Mais aussi pour celui-là seul j’avais été bonne et dévouée… oui, je l’aimais tant… que je me croyais le droit de haïr tout le monde, et puis sans doute l’on a en soi-même une plus ou moins grande dose de bonté ; moi, j’en ai très peu et je l’avais toute concentrée sur ton père… Je ne sais pourquoi à cette heure ta voix… ton accent me touchent et éveillent en moi, sinon de la bonté, au moins de la pitié. Aussi répète-moi que tu m’aimerais bien, que tu aimerais de toutes les forces de ton cœur une amie qui t’arrêterait au bord d’un précipice où tu serais sur le point de tomber ? Réponds… réponds… est-ce que tu lui dévouerais ta vie à cette amie ?

Mademoiselle de Maran prononça ces derniers mots avec une sorte d’impatience ner-