Page:Sue - Mathilde, tome 3.djvu/57

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ayez pitié de moi… je le sens, mes forces m’abandonnent…

M. Lugarto répondit par un éclat de rire…

— Que vous êtes enfant… C’est tout simple… je vous fais prendre un narcotique, c’est pour qu’il agisse. Votre somnolence va augmenter ainsi jusqu’à ce que vous soyez tout-à-fait endormie. Pour en revenir à Lancry, si j’ai oublié la jeune fille, il m’est resté au cœur la rage d’avoir été sacrifié à Gontran, la soif de la vengeance. Si j’avais eu le courage de me battre avec Lancry, il me semble que je l’aurais tué, tant je le haïssais ; mais je vous l’ai dit… je suis nerveux, j’ai attendu… Et puis la vengeance se mange très bien froide, comme on dit vulgairement… D’ailleurs, je ne sais quelle voix mystérieuse m’avertissait que tôt ou tard Gontran ne pourrait m’échapper. L’an passé, j’étais à Londres, il y vint ; il apportait les derniers débris de sa fortune ; il voulait jeter un certain éclat factice pour amorcer et épouser quelque riche héritière… J’allai franchement à lui ; je commençai par rire du bon tour qu’il m’avait joué en m’enlevant cette jeune fille ; il en rit aussi, fut ravi de voir que