Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/14

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D’un mot je puis rendre Gontran plus passionné pour moi qu’il ne l’a jamais été, lui qui, hier encore, m’oubliait pour une autre femme.

Bien rassurée sur l’avenir, je me plaisais à évoquer les souvenirs de mes plus mauvais jours…

J’agissais comme ces gens qui, miraculeusement délivrés de quelque grand péril, contemplent une dernière fois avec une jouissance mêlée d’effroi le gouffre qui a failli les engloutir, le rocher qui a failli les écraser…

Un sommeil profond, salutaire, me surprit au milieu de ces pensées.

Je m’éveillai tard ; je trouvai ma pauvre Blondeau à mon chevet bien inquiète, bien triste : mes chagrins ne lui avaient pas échappé ; mais, si grande que fût ma confiance en elle, jamais je ne lui avais dit un mot qui pût accuser Gontran.

Mon visage rayonnait d’une joie si éclatante que Blondeau s’écria en me regardant avec surprise :

— Jésus mon Dieu, madame, qu’y a-t-il donc de si heureux ?… hier je vous avais lais-