Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/271

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bien ! jugez donc ce que j’ai ressenti lorsque la raison m’a forcée d’avouer que mes chagrins étaient à peine dignes de pitié ; lorsque je me suis dit… demain je les raconterais à un juge impartial, qu’il aurait le droit de me dire : « C’est votre faute… » Hé bien ? croyez-vous qu’en face d’une telle conviction j’aie le courage de railler, Gontran ?…

— Vous avez cette conviction, Mathilde ?

— Oui, je l’ai… Oui, demain le monde saurait une à une les tortures que j’ai endurées, qu’il dirait en haussant les épaules avec mépris : « La stupide… l’ennuyeuse créature ! avec ses plaintes et ses gémissements continuels ! Elle n’a que ce qu’elle mérite. On ne peut donc pas être honnête femme et malheureuse sans être insupportable ! Après tout, son caractère à la fois si faible, si lamentable et si susceptible, ferait presque excuser la dureté de son mari. Certes, Ursuie est bien perfide, bien effrontée, bien corrompue ; eh bien ! l’on comprend que M. de Lancry la préfère mille fois à Mathilde : car au moins Ursule a du charme, du piquant ; on trouve en elle de ces alternati-