Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/296

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femme ne doit jamais m’aimer ! — s’écria-t-il, — si elle se rit de mes souffrances, si ses dédains ne sont pas un manège de coquetterie, pourquoi ne puis-je donc renoncer à l’espoir de me faire aimer un jour ? Pourquoi trouvai-je une amère volupté dans les chagrins qu’elle me cause ? Pourquoi est-ce que je l’adore enfin… quoique je la sache dissimulée, perfide et indifférente à mon amour ?

— Mon Dieu… mon Dieu ! — m’écriai-je en joignant les mains, — votre volonté est toute-puissante ; pour punir Gontran vous lui faites endurer tout ce qu’il m’a fait souffrir.

— Que voulez-vous dire, Mathilde ?

— Savez-vous, Gontran, qu’il y a quelque chose de providentiel dans ce qui se passe ici… Lorsque j’éprouvais pour vous une passion aveugle, opiniâtre, moi aussi je me disais : Si Gontran ne m’aime plus, pourquoi ai-je en moi l’espoir enraciné de m’en faire encore aimer ? Pourquoi son indifférence, ses duretés ne me lassent-elles pas ? Comme vous je me demandais cela, Gontran ; comme vous je trouvais une sorte d’amère volupté dans ces chagrins ; comme vous, chaque jour, j’affron-