Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/49

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frappe et qui est encore trop heureux de revenir en rampant servir de coussin à vos pieds lorsque, par colère ou par caprice, vous l’avez brutalement chassé… Mais si je rencontrais jamais un de ces hommes qui, par je ne sais quelle mystérieuse puissance, s’imposent en despotes du premier regard, avec quelle humble et tendre soumission je m’abaisserais devant lui ! avec quelle idolâtrie, moi si impérieuse, je l’adorerais à mon tour ! comme j’enchaînerais ma pensée, ma volonté, ma vie à la sienne ! à genoux, toujours à genoux devant mon souverain, devant mon dieu, joie, douleur, espérance, désespoir, tout viendrait de lui… et retournerait à lui… Pour qu’il daignât seulement me dire Viens… je serais humble, résignée, lâche, criminelle, que sais-je ?… Car la jalousie d’un tel amour peut arriver à la frénésie… à la férocité : tenez… à cette pensée, oh ! à cette pensée, j’ai peur.

En disant ces derniers mots d’une voix brève, Ursule baissa son visage assombri et parut rêveuse.

Gontran était stupéfait.

J’étais épouvantée.