Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/66

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avais-je donc deviné, avais-je donc senti, oui physiquement senti à un atroce déchirement de mon cœur, que Gontran allait de ce moment aimer cette femme, non-seulement plus qu’il n’avait aimé ses premières maîtresses, non-seulement plus qu’il ne m’aimait… mais plus qu’il n’aimerait jamais ?

Quelle voix secrète me disait que cette passion fatale serait la seule, la dernière passion de sa vie ?

Quelle voix me disait que les hommes les plus légers, les plus blasés, lorsqu’ils se prennent à aimer et surtout à aimer sans espoir une femme perdue, aiment souvent avec une violence effrayante ?

Comment avais-je senti qu’Ursule dans son manège infernal avait mis en jeu les passions les plus irritantes de mon mari en lui disant : — Vous êtes beau, vous êtes charmant, vous êtes habitué à plaire, et pourtant je me raille de vous, et pourtant vous m’aimerez, et cet amour sera pour moi une inépuisable raillerie… pour vous un inépuisable chagrin !

Et ce n’était pas encore assez pour cette femme. Comme il lui fallait aviver, exalter l’a-