Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/126

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désespoir, surtout qu’on ignore ton fol amour. Pour toi il n’y aurait pas assez de moqueries et d’insultes.

Pourtant, si j’avais vu plus tôt cet homme, ma vie eût été toute autre… Elle eût été aussi belle, aussi honorable qu’elle a été coupable et désordonnée. — Du moins elle ne le sera pas plus longtemps, — il ne me connaîtra jamais, il ne saura jamais que je l’aime ; mais la flamme qu’il a allumée en moi aura purifié ma vie. — Aujourd’hui, j’ai pris mes dispositions pour quitter l’hôtel de Maran ; — je n’ai plus rien, je serai pauvre, je travaillerai ou je mourrai, mais je serai libre et digne de penser à lui… — Penser à lui… oh ! cela impose de grands devoirs…

§

Toute mon énergie s’est réveillée. — Demain, j’abandonnerai cette maison ; mais cette nuit… je lui parlerai. — Oui, j’aurai ce courage. — Une idée m’a frappée, — c’est le bal de la Mi-Carême à l’Opéra ; je lui donnerai un rendez-vous ; ma lettre sera conçue de telle sorte qu’il croira qu’il s’agit de quelque timide