Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/170

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encore une longue vie à parcourir dans cette indifférence morne et glacée. Ces questions… que ferai-je ? que deviendrai-je ? me sont insupportables, j’accepterais je ne sais quel avenir, pourvu qu’il fût stable, pourvu qu’il m’épargnât la stérile fatigue de songer au lendemain… Quelquefois j’envie l’existence machinale des cloîtres, cette obéissance muette et passive qui vous débarrasse d’une volonté dont on ne sait que faire…

— Pouvez-vous parler ainsi, vous, jeune, libre !

— Et c’est justement cette liberté qui m’effraie. Je chercherai vainement à sortir de l’apathie où je suis plongé. Ce seront des agitations inutiles.

Vingt fois je fus sur le point de dire à M. de Rochegune : Épousez Emma, elle vous aime ; votre existence aura un but, un terme. Mais je craignis de compromettre par trop de précipitation le succès d’une œuvre qui m’avait coûté tant de larmes, tant de soins : je lui dis :

— Courage ! courage ! peut-être ce voyage suffira-t-il à vous sortir de cet engourdissement passager. Comptez sur moi : je vous écrirai le