Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/182

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— Alors — m’écriai-je avec amertume — alors Emma doit mourir ! c’est sa destinée ! Après tout, qu’est-ce que l’existence d’une créature de Dieu ? Emma réunit, il est vrai, les qualités les plus charmantes et les plus rares… Elle a seize ans… elle est d’une beauté accomplie… elle aime à en mourir… elle en mourra… Et celui qui, par sa dédaigneuse indifférence, causera cette mort, sacrifiera sans doute cette jeune fille à l’entraînement de quelque héroïque ambition, de quelque grande passion, ou du moins à l’attrait d’une vie aventureuse qui devra le tirer de sa léthargie ?… Non… non, ce sera à l’ennui, à une lâche et morne apathie qu’il sacrifiera cette adorable enfant, qu’il sacrifiera la fille de sa meilleure amie.

— Vous êtes sévère, Mathilde.

— Si M. de Mortagne vivait encore, ne vous tiendrait-il pas ce langage ? J’en appelle à votre loyauté… que vous conseillerait-on de faire ?

M. de Rochegune ne me répondit rien, baissa la tête avec une sombre tristesse ; mais il parut frappé de mes paroles.

— Ses avis étaient sacrés pour vous… vous