Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À cet instant les deux frères passaient devant la grande porte de l’hôtel d’Orbesson. Godet l’aîné jeta de ce côté un regard sarcastique, et dit à son frère avec l’expression d’une sanglante ironie :

— Si les gens vertueux aiment à voir lever l’aurore… je suis bien sûr que celui qui habite cette maison ne l’a pas vue souvent lever, l’aurore !!!…

Le mot était dur. Dieudonné en comprit la portée, et il dit tout bas à son frère.

— Prends garde, Godet… quelquefois les murs ont des oreilles.

— Si les murs ont des oreilles, la France a des lois — s’écria Godet l’aîné d’une voix tonnante en s’adressant fièrement à la grande porte de l’hôtel d’Orbesson et lui jetant un regard de défi courroucé. — Oui — reprit-il — la France a des lois, un gouvernement constitutionnel et une garde municipale qui protègent les citoyens paisibles, et qui veillent d’un œil ouvert et paternel sur les individus qui s’embusquent sournoisement dans les ténèbres pour machiner… je ne sais quoi ; mais il machine !! je suis sûr qu’il machine…