Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des années entières sous le charme de mon mari ? N’ai-je pas tout sacrifié à cet homme, dont la présence… eh bien ! oui… je l’avoue, dont la présence a sur moi une puissance irrésistible… Jusqu’au moment où je l’ai revu, j’ai été digne, courageuse… Mais dès que je l’ai su malheureux, dès que je l’ai vu repentant à mes pieds, dès que j’ai entendu sa voix, dès que j’ai rencontré ses regards… oh ! alors, dignité, courage, chagrins, j’ai tout oublié, et j’ai couru avec joie… au-devant de mes chaînes.

— Mais c’est horrible… mais il y a du cynisme à avouer une si honteuse influence. Vous êtes folle… je ne vous crois pas, je ne veux pas vous croire.

— Pourtant, si quelqu’un doit me croire, c’est vous, car je vous parle avec une entière franchise : je ne cherche pas à colorer ce rapprochement par de faux semblants. Je pourrais vous dire ce que je dirai à nos amis… que la pitié pour les malheurs, pour les remords de mon mari, que l’exagération de mes devoirs me font agir ainsi ; mais à vous je dis ce qui est, à vous je dis la vérité si brutale qu’elle