arbre… et cela sans déchirement, à chaque blessure… Au lieu d’une douleur vive… c’est un froid engourdissement… ce ne sont pas les violences de la colère, du désespoir… non c’est un dédain amer, mêlé de compassion douloureuse… Tout le passé de ma vie… que je croyais inaltérable, s’écroule, s’amoindrit et s’efface. Allons… j’ai pris pour le marbre impérissable la neige qui fond aux premières ardeurs du soleil… Encore une fois, cela est étrange… tout à l’heure… en pensant que je pouvais être forcé de renoncer à cette femme si adorée, cette seule supposition me semblait un abîme que je ne pouvais contempler sans vertige… Voilà que maintenant… au lieu de ce grandiose, de cet effrayant abîme… je ne vois plus qu’une espèce de bourbier dont j’ai hâte de détourner les regards… et pourtant c’est moi… c’est bien moi… moi dont cet amour avait été le pôle, l’idée fixe, unique… moi qui depuis dix ans n’avais pas été un jour, une heure sans donner une pensée à cet amour, moi qui, soutenu, porté par cet amour, ai tenté, accompli de grandes choses… moi qui pleurais hier comme un enfant… moi qui tout
Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/67
Apparence