Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/111

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Il semblait se complaire à moduler avec amour la phrase musicale dont nous avons parlé, comme on s’abandonne à un souvenir chéri de sa jeunesse.

Le tintement aigu, strident et prolongé d’un timbre le fit tressaillir douloureusement.

À ce bruit aigre, il interrompit de nouveau son chant… Les dernières vibrations de l’orgue s’exhalèrent dans la vaste galerie comme un long soupir.

Arnold inclina avec accablement sa tête sur sa poitrine ; ses mains blanches et effilées, se détachant du clavier, retombèrent inertes sur ses genoux. Sa taille mince et frêle se courba, la force factice, fiévreuse, qui l’avait jusqu’alors soutenu, l’abandonna ; il s’affaissa sur lui-même…

Les premières lueurs d’une matinée d’hiver, se joignant à la clarté des bougies du lustre gothique, formaient une lumière fausse, lugubre comme celle des cierges qui brûlent pendant le jour autour d’un lit mortuaire ; cette lumière tombait d’aplomb sur le front et sur la saillie des joues d’Arnold, car il avait la tête inclinée sur sa poitrine.

À travers ses longs cils baissés, on aurait pu voir la prunelle immobile perdre l’humide éclat de son bleu limpide, et devenir fixe, presque terne.

Ses doigts se roidirent par l’intensité du froid ; car depuis longtemps le feu était éteint dans la vaste cheminée…

À ce moment, le tintement du timbre retentit de nouveau… et par deux fois.

Le prince sembla sortir d’un sommeil léthargique,