Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/19

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d’État ? — reprit le domino. — Le fait est qu’on pourrait dire maintenant : Laid comme un ministre.

— Et puis, dans ce siècle sérieux, rien n’est plus sérieux que la laideur.

— Sans compter — reprit le domino — qu’une figure patibulaire est toujours une sorte d’introduction, de préparation à une vilenie : sous ce rapport, il est très adroit à certains hommes d’État d’être hideux.

— Pour en revenir à M. de Morville, je n’ai jamais entendu vanter son esprit — dit sèchement M. de Brévannes.

— Tant mieux pour lui — reprit M. de Gercourt — je me défie des gens dont on cite les bons mots… Je douterais de M. de Talleyrand si je ne l’avais pas entendu causer… Avouez du moins, mon cher Brévannes, que Morville n’a pas un ennemi, malgré l’envie que ses succès devraient exciter.

— Parce qu’il est niais — reprit opiniâtrement le domino ; — les gens vraiment supérieurs ont toujours des ennemis.

— Il me semble alors, beau masque — reprit M. de Gercourt — que votre hostilité acharnée constate fort la supériorité de Léon de Morville.

— Bah ! bah ! — reprit le domino sans répondre à cette attaque — la preuve que M. de Morville est un pauvre sire… c’est qu’il cherche toujours à produire de l’effet, à se faire remarquer… Ridicule ou non, peu lui importe le moyen.