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Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/202

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Les gens de l’espèce de M. de Brévannes, si rusés qu’ils soient, sont presque toujours dupes de leur funeste dédain pour l’espèce humaine, et de leur propension à croire surtout aux mauvais sentiments. Au lieu de supposer, selon toute probabilité, que la mulâtresse était dévouée à sa maîtresse, et de se tenir prudemment sur la réserve, il suffit à M. de Brévannes, non pas même d’un mot, mais d’une seule inflexion de voix, pour croire Iris envieuse de madame de Hansfeld et peut-être même hostile à sa maîtresse.

Il était d’autant plus porté à admettre cette hypothèse qu’elle servait parfaitement ses projets. Il eût été pour lui d’une haute importance d’avoir chez madame de Hansfeld un être à sa dévotion qui ne fût retenu par aucun lien de reconnaissance, par aucun scrupule de dévouement. Voulant pourtant s’assurer de la réalité de son soupçon, il dit à Iris d’un ton affectueux de tendre intérêt :

— Vous êtes heureuse ? très heureuse auprès de la princesse… n’est-ce pas ?

La jeune fille comprit la portée de cette question, qu’elle avait très habilement amenée. Elle ne répondit pas d’abord, elle soupira, puis après un silence de quelques secondes, elle dit :

— Oui, oui, très heureuse ; et quand bien même je ne le serais pas, à quoi bon me plaindre ?…

Puis, dégageant brusquement son bras de celui de M. de Brévannes, elle courut vers la petite porte du jardin, restée entr’ouverte.