Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/123

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vous ?… Oh ! prenez garde, madame, prenez garde… ne jouez pas avec ces idées-là, elles sont terribles… Songez bien que l’amour-propre est mille fois plus irritable et plus ardent à la vengeance que l’amour… Si jamais vous aviez seulement la pensée de me tromper… Mais, tenez — dit-il en blêmissant de rage à cette seule idée — ne soulevons pas une telle question… elle est sanglante…

— Et c’est parce qu’elle peut devenir un jour sanglante, monsieur, que je la soulève, moi, et qu’en honnête femme je vous supplie de me laisser dans ma retraite, de ne pas volontairement m’exposer à des périls que je n’aurais peut-être pas la force de surmonter. Je vous dois beaucoup, sans doute ; mais, croyez-moi, ne m’obligez pas à compter aussi les larmes que j’ai versées ; je pourrais me croire quitte…

— Quelle audace !…

— J’aime mieux être audacieuse avant d’avoir fait le mal qu’hypocrite après une faute. Encore une fois, pour votre repos et pour le mien, monsieur, laissez-moi vivre obscure et ignorée… À ce prix je puis vous promettre de ne jamais faillir… sinon…

— Sinon ?…

— Vous m’aurez jetée presque désarmée au milieu des périls du monde… Je connais mes devoirs, j’essaierai de lutter… mais je vous le dis… il peut se rencontrer des circonstances où la force me manque.