Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/124

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Le bon sens, la franchise de ces paroles, faisaient bouillonner la jalousie de M. de Brévannes ; il connaissait trop ses torts envers Berthe pour ne pas prévoir qu’elle lutterait seulement et absolument par devoir ; et le devoir sans affection est souvent impuissant contre les entraînements de la passion.

L’enfer de cet homme commençait. Placé entre sa jalousie et son amour, il hésitait entre le désir de nouer des relations suivies avec madame de Hansfeld, grâce à la présentation de Berthe, et la crainte de voir sa femme entourée d’adorateurs.

La pensée d’être jaloux du prince, qu’il ne connaissait que par le récit de ses bizarreries, ne lui vint pas un moment à l’esprit ; mais à défaut du prince il se créa les fantômes les plus effrayants, c’est-à-dire les plus charmants. Déjà il se voyait moqué, montré au doigt ; lui qui avait fait un mariage d’amour, mariage ridicule s’il en est, pensait-il, lui qui avait sacrifié sa vanité, son ambition, sa cupidité, à une pauvre fille obscure, ne serait-il donc pas à l’abri du mauvais sort ? Serait-il donc aux yeux du monde toujours dupe, avant et après son mariage ? À ces pensées, M. de Brévannes tressaillait de fureur.

Tantôt il voyait dans la franchise de Berthe une garantie pour l’avenir, tantôt au contraire il y voyait une sorte de cynique défi, tant enfin il s’effrayait de ce langage d’une honnête femme qui, dédaignée de son mari qu’elle n’aime plus, ne s’a-