Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/133

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tenir compte maintenant m’a tenu éloigné de vous ?

— Ne parlez pas ainsi.

— Eh bien ! d’abord en songeant à la frêle santé de votre mari, je me suis dit : M. de Hansfeld mourrait… je n’en serais pas affligé… puis… sa vie… dépendrait de moi… que je le laisserais périr… Puis j’ai été plus loin… j’ai… mais non, non je n’ose vous dire cela… même à vous… je vous ferais horreur… Ah ! maudit soit le jour… où pour la première fois cette pensée m’est venue.

Et M. de Morville cacha sa tête dans ses mains.

Les derniers mots qu’il venait de prononcer devaient retentir longtemps dans le cœur de Paula.

Elle était à la fois épouvantée, et pourtant presque heureuse de l’étrange complicité morale qui faisait partager ses vœux homicides contre le prince par M. de Morville, lui, jusqu’alors si loyal et si généreux. Dans ce bouleversement complet des principes de l’homme dont elle était adorée, elle vit une nouvelle preuve de l’influence qu’elle exerçait.

Mais par une de ces contradictions, un de ces dévouements si familiers aux femmes, madame de Hansfeld se promit de tout faire pour éloigner désormais, et pour toujours, des pensées pareilles de l’esprit de M. de Morville, et cela parce que peut-être, de ce moment même, elle prenait les résolutions les plus criminelles ; quoi qu’il arrivât, elle ne voulait pas que M. de Morville pût se reprocher un jour les vœux qu’il avait faits dans un moment d’égarement.