Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/137

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moins l’avenir. Maintenant il faut pour rendre l’agonie de ma mère plus douce, il faut que je me résigne à ce mariage odieux, impossible, car il détruirait jusqu’aux faibles espérances qui me restent… Encore une fois, cela ne sera pas ; non, non, mille fois non. Paula, si vous m’aimez, si vous êtes capable de sacrifier autant que je vous sacrifie, nous n’aurons pas à rougir l’un de l’autre.

— Non, car tous deux nous aurons foulé aux pieds nos serments et nos devoirs — dit Paula en interrompant M. de Morville.

— Nous fuirons au bout du monde, et…

— Et la première effervescence de l’amour passée, la haine, le mépris que nous ressentirons l’un pour l’autre vengeront ceux que nous aurons sacrifiés. Mon pauvre ami, votre raison s’égare.

— Mais que voulez-vous que je fasse ?

— Que vous ne soyez pas parjure… que vous ne hâtiez pas la mort de votre mère.

— Renoncer à vous, me marier… Jamais ! jamais !

— Écoutez-moi bien. Je vous déclare que je ne pourrais pas aimer un homme lâche et parjure, lors même que ce serait pour moi qu’il se parjurerait lâchement. Mon amour-propre de femme est satisfait de ce que chez vous, pendant quelques moments, la passion a vaincu le devoir ; c’est assez. Vous avez juré de ne jamais me dire un mot qui pût m’engager à oublier mes devoirs, vous tiendrez ce serment ?