Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/14

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haine, l’indignation, la colère qui m’ont ainsi bouleversée ?

« Oui… n’est-ce pas de la haine, de l’indignation, de la colère que je dois ressentir contre celui qui a tué le fiancé à qui j’étais promise et que j’aimais depuis mon enfance ? Ne dois-je pas exécrer celui qui m’a déshonorée par une calomnie infâme ?… Oh ! oui… je le hais… je le hais, et pourtant !… »

Ici se trouvaient quelques mots absolument indéchiffrables ; ils terminaient ce premier passage, et fournirent à M. de Brévannes le texte d’une foule de conjectures.

Ces mots et pourtant ! lui semblaient surtout une réticence d’un heureux augure… il continua.

« J’étais tellement épouvantée de ma pensée de tout à l’heure, que je n’ai osé continuer… ni confier au papier… Hélas ! mon seul confident… ce qui causait mon effroi…

« Je devrais dire ma honte… Quel abîme que notre âme !… quels contrastes !… Oh ! non, non ; je hais cet homme… Il y a dans la persistance avec laquelle il a poursuivi son dessein quelque chose d’infernal ; … et si ce que je ressens à son égard diffère de la haine, c’est qu’un vague effroi se joint à cette haine. Oui, c’est cela sans doute… Et puis il s’y joint encore une sorte de regret de voir une volonté si ferme, une opiniâtreté si grande employées à mal faire, à nuire, à calomnier !

« En se vouant à de nobles desseins quels admirables résultats n’eût-il pas obtenus !…