Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/29

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mond était assis d’un côté de la cheminée, Arnold de l’autre ; depuis que le prince était amoureux, ses traits reprenaient une apparence de force et de santé, quoique son visage fût toujours un peu pâle.

Une grande discussion s’était élevée entre Pierre Raimond et Arnold, car pour compléter le charme de leur intimité ils différaient de manière de voir sur quelques questions artistiques, entre autres sur la façon de juger Michel-Ange.

Arnold, tout en rendant un juste hommage à l’immense génie du vieux tailleur de marbre, ne ressentait pour ses productions aucune sympathie, quoiqu’il comprît l’admiration qu’elles inspiraient ; le goût délicat et pur d’Arnold, surtout épris de la beauté dans l’art, s’effrayait des sombres et terribles écarts du fougueux Buonarotti, et leur préférait de beaucoup la grâce divine de Raphaël.

Pierre Raimond défendait son vieux sculpteur avec énergie, et il se passionnait autant pour la fière indépendance du caractère de Michel-Ange que pour la gigantesque puissance de son talent.

— Votre tendre Raphaël avait l’âme amollie d’un courtisan — disait le vieillard à Arnold — tandis que le rude créateur du Moïse et de la chapelle Sixtine avait l’âme républicaine ; et il devait menacer, comme il l’en a menacé, le pape Jules de le jeter en bas de son échafaudage s’il lui manquait de respect.

M. de Hansfeld ne put s’empêcher de sourire