Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/31

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n’aime pas Michel-Ange à cause de ses défauts… et vous m’accusez d’exagération ?

— Certainement… on n’est grand homme, on n’est Michel-Ange qu’à certaines conditions. J’admire dans le lion jusqu’à ses instincts sauvages et féroces ; il n’est lion qu’à condition d’être sauvage et féroce, il ne peut avoir les vertus d’un mouton comme votre Raphaël.

— Mais au moins permettez-moi d’aimer dans Raphaël ces vertus de mouton, qui sont, si vous le voulez, les conséquences de sa nature, de son talent…

— À votre aise : admirez, si vous trouvez qu’un tel caractère mérite l’admiration… Quant à moi, physiquement parlant, je ne mets pas seulement en balance la fade figure du beau, du céleste Raphaël, tout couvert de velours et de broderies, avec le mâle visage de mon vieux Buonarotti, sombre, farouche, hâlé par le soleil, et vêtu d’une souquenille à moitié cachée par son tablier de cuir de tailleur de pierre ! Allons donc ! est-ce que ces deux natures peuvent se comparer seulement ? Ah ! ah ! ah !… quel plaisant contraste !… Je vois d’ici… le divin Raphaël…

— Le divin Raphaël aurait fléchi le genou et respectueusement baisé la puissante main du vieux Michel-Ange, son maître et son aïeul dans l’art — dit doucement Arnold en tendant la main à Pierre Raimond.

— Vous avez raison — reprit celui-ci en répon-