Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/39

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me causait des ravissements presque extatiques, auxquels je m’abandonnais avec délices… À dix-huit ans j’entrepris avec mon vieux serviteur un voyage en Italie. Pendant deux ans j’étudiai les chefs-d’œuvre des grands maîtres dans les différentes villes où je m’arrêtai, voyant peu de monde et me trouvant heureux de ma vie indolente, rêveuse et contemplative… J’arrivai à Venise ; mon culte pour les arts avait jusqu’alors rempli ma vie, l’admiration passionnée qu’ils m’inspiraient suffisait à occuper mon cœur… À Venise, le hasard me fit rencontrer une femme dont l’influence devait m’être funeste. Cette femme, que j’ai épousée, se nommait Paula Monti…

— Elle était belle ? — demanda Berthe.

— Très belle… mais d’une beauté sombre… Étrange contraste ! j’ai toujours été faible et timide, je me suis épris d’une femme au caractère énergique et viril… C’était mon premier amour… Sans doute j’obéis plus à l’instinct, au besoin d’aimer, qu’à un sentiment réfléchi, et je devins passionnément amoureux de Paula Monti ; elle accueillit mes soins avec indifférence ; je ne me rebutai pas ; elle me semblait très malheureuse. J’eus quelque espoir, je redoublai d’assiduités, et je demandai formellement sa main à sa tante. J’étais riche alors, ce mariage lui parut inespéré ; elle y consentit. J’eus avec Paula une entrevue décisive… Je dois le dire, elle m’avoua qu’elle avait ardemment aimé un homme qui devait être son mari ; et quoique cet