Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

homme fût mort, son souvenir vivait encore si présent et si cher à sa pensée, qu’il l’absorbait tout entière, et que mon amour lui était indifférent. Cet aveu me fit mal ; mais je vis dans la franchise de Paula une garantie pour l’avenir ; je ne désespérai pas de vaincre, à force de soins, la froideur qu’elle me témoignait… Elle ne me cacha pas que, sans l’incessante influence d’un passé qu’elle regrettait amèrement, elle aurait peut-être pu m’aimer.

Alors je me laissai bercer des plus folles espérances ; ma passion était vraie… Paula Monti en fut touchée ; mais sa délicatesse s’effrayait encore de la disproportion de nos fortunes. La perte d’un procès venait de complétement ruiner sa famille. Je surmontai ses scrupules ; elle me promit sa main… mais en me répétant encore qu’elle ne pouvait m’offrir qu’une affection presque fraternelle.

Cependant cette froide union fut pour moi un bonheur immense. D’abord mes espérances s’accrurent, à part quelques moments de profonde tristesse, le caractère de Paula était mélancolique, mais égal, quelquefois même affectueux. Déjà j’entrevoyais un avenir plus heureux, lorsqu’un jour… Oh ! non, non, jamais… je n’aurai la force de continuer — reprit le prince en cachant sa figure entre ses mains.

Berthe et son père se regardèrent en silence, n’osant pas demander à Arnold la suite d’un récit qui lui semblait si pénible. Pourtant il poursuivit :