Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/44

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dans laquelle se retrouvaient tous les symptômes d’un empoisonnement ?

— Je parvins à m’étourdir sur ce fait inexplicable, à empêcher pour ainsi dire ma pensée de s’y arrêter, tant je voulais croire à l’innocence de Paula. J’expiais douloureusement cet atroce soupçon ; vingt fois je fus sur le point de lui tout avouer ; mais je n’osais pas : son affection pour moi était déjà si tiède, si incertaine… un tel aveu me l’eût à jamais aliénée. Pourtant… pour mon repos, j’aurais dû tout lui dire, car elle commença de trouver quelques-unes de mes paroles étranges ; mes réticences involontaires lui semblèrent incohérentes ; quelquefois, profondément touché d’un mot ou d’une attention tendre de sa part, je m’écriais dans une sorte d’égarement :

— Oh ! je suis bien coupable… pardonnez-moi… j’ai eu tort…

Elle me demandait la signification de ces mots ; je revenais à moi, et au lieu de m’expliquer, je lui réitérais les protestations les plus passionnées… Hélas ! bientôt la pâle affection que j’en avais obtenue par tant de soins, avec tant de peine, fit place à une nouvelle froideur… Elle me regardait quelquefois d’un air inquiet et craintif… ses accès d’humeur sombre redoublèrent… alors aussi… les soupçons que j’avais d’abord si énergiquement repoussés revinrent à ma pensée ; puis je les chassais de nouveau ; quelquefois j’examinais malgré moi avec défiance les mets qu’on me servait ; puis, rou-