Page:Sue - Paula Monti, tome 2, 1845.djvu/52

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faiblesse même dérivait d’une noble source… vous craigniez d’accuser injustement Paula. En effet, c’est quelque chose d’effrayant que de dire à quelqu’un, et cela sans preuves certaines : Vous êtes homicide… vous avez voulu deux fois m’assassiner…

— N’est-ce pas ? surtout lorsqu’il s’agit d’adresser ces foudroyantes paroles à une femme que l’on a passionnément aimée, surtout lorsqu’à côté de preuves matérielles presque irrécusables, il est pour ainsi dire d’autres preuves morales toutes contraires ; lorsqu’enfin quelquefois une voix secrète, une révélation occulte, vous dit avec une irrésistible autorité : Non, cette femme n’est pas coupable… Oh ! je vous l’assure, c’était un enfer… un enfer…

— Maintenant — dit Berthe — je conçois que vous ayez feint d’être insensé.

— Mais — dit Pierre Raimond — une dernière tentative ne vous a laissé aucun doute…

— Aucun cette fois… Le crime me parut avéré… ou plutôt, comme mon amour s’était usé et éteint dans ces luttes, dans ces angoisses continuelles, j’ai eu cette fois plus de courage que je n’en avais eu jusque-là.

— Vous ne l’aimez plus, enfin ? — dit Berthe.

— Non, car, en admettent même que j’eusse été aussi insensé que je le paraissais, je méritais au moins quelque pitié, quelque intérêt… et ma femme ne m’en témoignait aucun. Profitant de la solitude où je vivais (nous habitions alors une grande ville),