Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/152

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PAN


 
Je vais m’asseoir, l’été, devant les plaines vertes,
Solitaire, immobile, enchanté de soleil ;
Ma mémoire dans l’air par d’insensibles pertes
Se vide ; et, comme un sphinx aux prunelles ouvertes,
Je dors étrangement, et voici mon sommeil :

Ma poitrine s’arrête et plus rien n’y remue ;
La volonté me fuit et je n’ai plus de voix ;
Il entre dans ma vie une vie inconnue,
Ma figure demeure et ma personne mue :
Je suis et je respire à la façon des bois.

Mon sang paraît glisser en imitant la sève ;
J’éprouve que ce monde est vraiment suspendu ;
Quelque chose de fort avec lui me soulève ;
Le regard veille en moi, mais tout le reste rêve.
O Nature, j’absorbe et je sens ta vertu !