Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/298

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Mais je veux assigner au marbre de Hegel,
Dans mon temple étoilé, la coupole profonde ;
Hegel a mesuré la croissance du monde
De son germe inquiet à son type éternel.

Désormais, fatigué d’interroger les choses,
L’esprit ferme les yeux et dit : Je concevrai.
Il n’est plus le miroir, mais l’artisan du vrai,
Il procède, et son pas marque le pas des causes ;

De tous les changements il suit l’ordre et le flux
Dans la chaîne et le cours de ses propres idées,
Il y voit a leurs fins les essences guidées
S’échapper du néant pour ne s’arrêter plus.

Ainsi que la Babel, effrayante spirale
Qui d’assise en assise a conquis l’horizon,
Pour élargir sans fin le ciel de sa prison
Il dresse obstinément sa logique fatale ;

Jalouse aussi de Dieu, cette orgueilleuse tour
Enfonce sans effroi son large pied dans l’ombre,
Puis au faîte hardi de ses marches sans nombre
S’épanouit enfin dans la beauté du jour !