Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/125

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Si le soleil n’y joint sa chaleur qui féconde,
Il ne croît de moissons, d’arbres, ni de vivants,
Faute d’aliments secs et d’eau qui les arrose,
Le corps se perd, la vie alors se décompose
Et rompt avec les nerfs et les os son lien.
Nous prenons en effet nourriture et soutien
De corps fixes, fixés aussi pour toute chose.
     C’est que les éléments, cent fois modifiés,
Entrent, communs à tout, en des choses diverses,
Variant l’aliment aux êtres variés.
Ce qui surtout importe en leurs mille commerces,
C’est leur accord, comment ils se sont ordonnés.
Les mouvements entre eux soit reçus, soit donnés ;
Car les mêmes font tout : soleil, azur et fange,
Mers et fleuves, ainsi qu’arbres, bêtes, moissons,
Mais combinés et mus de diverses façons.
Et ne voyons-nous pas, dans ces vers que j’arrange,
Les mêmes lettres faire ainsi des mots nombreux,
Bien qu’il faille avouer que mots et vers entre eux
De son comme de sens à tout moment diffèrent,
Dès que les rapports seuls de leurs lettres s’altèrent ?
Certes, les éléments, en composés divers,
Sont plus féconds encore au monde qu’en mes vers.

     Enfin d’Anaxagore explorons le système
Rapporté par les Grecs, mais qu’ici je ne peux
Traduire en ce parler pauvre de nos aïeux ;
Je t’en pourrai du moins exposer l’esprit même.
Son homœomérie est toute en ce qui suit :
L’os est fait d’os menus de petitesse extrême,