Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/240

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On voit des pucerons réduits en esclavage,
Rassemblés en troupeaux et traits par les fourmis ;
Le plus humble génie a des vaincus soumis,
Et l’on devient tyran dès qu’on n’est plus sauvage.

Combien d’humains troupeaux, fruits d’un docte élevage,
À qui les hauts loisirs ne sont jamais permis,
Et que, loin des forêts, sous le joug endormis,
L’antique faim toujours, mais plus lente, ravage !

Que de peuples se sont à se polir usés !
Nés fiers, et qu’ont rendus serviles et rusés
L’intrigue aux mille rets, l’échange aux mille chaînes !

Que de progrès honteux fit la peur de la mort,
Quand la paix sans amour, trêve instable des haines,
Déshonorant le faible eut désarmé le fort !




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